L'agriculture n'est pas son affaire. Il le
précisera notamment dans ses chroniques de Bâtons dans les roues : « Chaque
fois que j'ai offert mes services au règne végétal, j'ai compris qu'un
malentendu nous séparait ».
Ainsi,
peu après la plantation de trois rosiers dont l'avenir lui paraît
incertain : « Pourtant, mes trois plants se
mirent à pousser, les bourgeons s'épanouirent, les petites feuilles, déjouant
mes pronostics, ne se roulèrent pas en cigares morbides et tout laissait
prévoir un miracle, quand les pucerons se jetèrent dessus, par myriades.
Horrible spectacle. La horde vermineuse, ivre de sève, gonflée de vert à s'en
péter la peau diaphane, titubante et cuvant sa chlorophylle, ne laissa de mes
rosiers que trois brins secs où pendillaient d'exsangues pédoncules. Quand
même, ils ne moururent point et, ce printemps, les voyant reverdir
héroïquement, j'ai attendu les pucerons avec une seringue à nicotine triple
dose. J'ai eu le dernier mot. Alors les feuilles se sont mises à pousser d'une
manière extravagante. Pas une fleur, pas une promesse de bouton, mais une
frondaison tropicale. Je ne peux pas dire que ce soit laid, mais on ne cultive
pas le rosier pour son feuillage, ça ne se fait pas. Les étrangers me
disent : « Vous avez là une bien jolie plante grimpante, comment
l'appelez-vous donc ? Il me semble avoir déjà vu ce feuillage-là quelque
part. » Alors je parle d'églantier du Zanzibar ou de méziganthéa amélioré
de Vilmorin, et au fond ils s'en fichent, mais moi qui sais, moi qui pourrais
donner mon nom à cette curiosité horticole, je la considère comme le témoignage
hyperbolique de l'impuissance heureuse, le monstre impubère et profus, et la
pensée qu'une telle chose ait pu prospérer sous mon toit m'est extrêmement
pénible. »
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