Le colonel Boumediene est venu s'entretenir des événements
avec El Guid. L'entrevue pouvait être assez délicate. En effet, il y a quelques
jours encore, c'eut été le colonel vainqueur de la glorieuse armée française en
visite chez le général vaincu. Aujourd'hui, c'est un peu différent. Boumediene
est en droit de demander des explications : pourquoi la puissante armée de
la République a-t-elle capitulé devant une bande de fellagas si les méprisables
bataillons d'Israël devaient écraser, en deux jours, l'invincible armée du
Prophète. Mais tout s'est très bien passé, vu la bonne éducation des
interlocuteurs, vu aussi le célèbre magnétisme du Président fakir. Très
détendu, il a pu annoncer au visiteur que le Sinaï, après Evian, serait
consigné comme victoire dans le tome IV de ses Mémoires. Et préciser même qu'il
se sentait de force à garder ses quatre-vingt-dix prisonniers personnels,
quoique Nasser dut rendre les siens, au nombre de trois.