100e anniversaire de la mort de Louis Perret, 25 septembre 1916
« Il
y eu très vite assez de morts autour de nous pour que la famille prît ses
quartiers de gloire et de deuil en attendant de se refaire un peu de sang. La
foudre tombait partout et volontiers retombait sur les mêmes. En quelques mois
tous les amis de mon frère étaient tués ; l'un deux, son préféré, tombait
le quatrième d'une famille de cinq garçons, la mort ayant bien voulu les saisir
en commençant par l'aîné, et le recrutement épargner le cinquième. Il y avait
tant de morts que les douleurs s'épaulaient dans la communion des douleurs et
que la France
tout entière pleurait par nos yeux. Je n'oserais pas dire que le mal en
devenait tolérable, mais depuis toujours on m'avait enseigné les privilèges du
champ d'honneur et j'y croyais sincèrement. Aujourd'hui encore, en dépit des
sarcasmes ou des impostures, en dépit de la réflexion et même tout bien pesé,
j'y crois encore un peu. De toute manière, à cet âge qu'on dit ingrat, on n'est
pas terrorisé par les deuils, fussent-ils d'hécatombes ; on ne connaît la
mort que par le témoignage des vivants et Dieu sait qu'alors ils s'évertuaient
à la chamarrer, à tel point que je n'étais pas éloigné d'y voir comme une
récompense suprême ; il pleuvait des prix d'excellence. C'était plus
facile à décrocher qu'un accessit en calcul. Il a fallu du temps et de
l'expérience pour que j'imagine un peu cette chose qu'est la mort d'un fils de
vingt ans, beau, fort, fier et bien aimé, et l'horrible chagrin où ma mère
s'est repliée. »
Raisons de famille, Via Romana, 2015
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