Les conditions dans lesquelles
nous rompîmes les amarres avec la capitale pour nous transporter en famille
dans un lopin du Blésois et les épreuves plus ou moins bénéfiques d’une
expérience rurale aussi méritoire que présomptueuse ont été narrées et trop
brièvement à mon goût. Je n’y reviendrai quand même pas longuement, sauf à
rappeler que la déconvenue économique fut assez rondement menée pour mettre fin
à la plaisanterie et regagner Paris sans trop nous émouvoir ni pleurnicher sur
nos terres ingrates ou seulement incomprises. Vous savez ce que c’est, on a
beau avoir du sentiment, on n’aime pas bien s’attarder sur les lieux de
l’échec. Lieux en l’occurrence à découvert, et l’échec se réclamant de la
notoriété publique : maison à flanc de coteau sur terre-plein adossé au
roc et le potager en gradins jusqu’au bord de la route, autrement dit le coram populo à longueur d’années. Les
naturels ambulants avaient eu loisir d’observer nos façons de vivre et
d’épiloguer dessus. Permettez que je restitue leurs commentaires transcrits à
l’imitation du parler tourangeau c’est-à-dire toulanheau :
« Des hens, disaient-ils, qui
plenaient le café sous leul tonnelle en lisant l’hournal pendant qu’leul poules
glattaient dans l’potaher et tous les souèls la lumièle qui blillait husqu’à
des honze heules minuit. Mais y a hand même une hustice quand la palesse est
punie par le débouèle et la déconfitule. »
Plût aux dieux qu’ils eussent dit la vérité. J’en
prends à témoins Cybèle et ses nymphes et le grand Pan lui-même et le sacré
cortège des sylvains ivrognes attentifs à mes raisins et pipeurs de mes
futailles : j’ai consacré à notre établissement viticole, avicole et
potager une somme de labeur et d’invention comme seul peut en fournir un
Parisien.Un marché aux puces, Julliard, 1980.
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